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Le roi ne figure pas dans le bréviaire de l’archevêque…De la restauration à Jules Ferry (1815-1880)

Proclamée le 9 août 1830 après les émeutes des «Trois Glorieuses», la monarchie de Juillet (1830-1848) succède en France à la Restauration. Louis-Philippe n’est pas Roi de France, mais intronisé Roi des Français. Son règne s’achève en 1848 sur  des barricades qui le chassent pour instaurer la Seconde République.

Charles X n’est plus. En tout cas, plus roi de France. Il est remplacé par Louis Philippe, roi des Français. Aussitôt, la chartre de 1814 n’a plus cours. La religion catholique n’est plus «religion d’Etat», mais celle «qui est professée par la majorité des Français ».  De l’avis de tous, le vent va tourner.

Bien que les rapports soient cordiaux avec Rome, un mouvement de jeunes catholiques libéraux voit le jour : ils demandent la totale séparation de l’Eglise et de l’Etat, c'est-à-dire l’abolition du Concordat et ont pour noms l’abbé Lamennais, le futur père Lacordaire et Charles de Montalembert. Dans leur journal, l’Avenir, ils écrivent : «Nous demandons la liberté de religion et la totale séparation sans laquelle il n’existerait pour les catholiques nulle liberté religieuse ce qui implique la suppression du budget ecclésiastique et l’indépendance absolue du Clergé dans l’ordre spirituel ». Si eux s’y mettent aussi…

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Mgr de Cosnac, installé à Sens en 1830,

fera contre mauvaise fortune bon coeur aux décisions royales.  (Coll. SAS)

A Paris, en janvier 1831, des troubles éclatent. En février, c’est au tour des vignerons Sénonais de se révolter contre «les droits réunis». On est loin des Vignes du Seigneur, mais l’archevêché et le séminaire sont menacés par la foule. Le bruit court que l’on va substituer le drapeau blanc au drapeau tricolore qui flotte sur la résidence de l’archevêque. Mgr de la Fare ne verra pas cela : il avait rendu son âme à Dieu à la veille de la Révolution de 1830. Son successeur, Mgr de Raymond-Lalande ne jouira que peu de temps la grâce divine puisqu’il le rappellera à Lui un an plus tard. C’est un nouveau prélat, Mgr de Cosnac, installé le 4 novembre 1831 qui veillera désormais sur les catholiques sénonais. Grand vicaire de Beauvais, il avait refusé de prêter serment sous la Révolution et avait émigré en Angleterre. Il avait de surcroit stigmatisé la politique de Napoléon et son comportement envers le Pape. Légitimiste, il gardait quelques regrets de la royauté passée tout en faisant contre mauvaise fortune bon cœur au nouveau régime. Mais point trop n’en faut.

 Des instructions ministérielles avaient prescrit des cérémonies civiles et religieuses  pour célébrer chaque année, au 1er mai, la fête du Roi et fin juillet, l’anniversaire des Trois Glorieuses. En fait, Louis Philippe ne devait pas être en très bonne place dans le bréviaire de l’archevêque comme le souligne un  rapport du sous-préfet en 1833: «A Sens, l’Eglise n’a pris aucune part à la fête générale parce que l’impulsion était attendue des supérieurs, qui aujourd’hui, comme aux premiers jours de 1830, regrettent leur haute influence… ».

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Sous Louis-Philippe, la religion catholique n'est plus religion d'Etat,

mais la religion pratiquée par une majorité de Français.

Monseigneur de Cosnac, malade, décède le 24 octobre 1844. Va lui succéder Mgr Jolly qui terminera une partie de l’œuvre de son prédécesseur en installant définitivement le Bon Pasteur, ses filles «Pénitentes», et vivra l’installation du culte Protestant à Sens. Légère période d’accalmie qui ne va pas durer. Le 24 février 1848 éclate la révolution qui va entrainer l’abdication de Louis Philippe et la proclamation de la Seconde République sous la présidence de Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de l’exilé de Sainte Hélène. A Sens, sans perdre de temps, le prélat écrit au nouveau maire Victor Guichard : «Il est de mon devoir de venir en mon nom propre et au nom de tous les membres du Clergé de la ville Métropolitaine, de vous assurer de notre concours en tout ce qui concerne les intérêts de la Cité qui sait déjà reconnaître que vous avez bien mérité d’elle ».

Rassurant pour le nouveau pouvoir… D’autant que cet élan de sympathie va être appuyé par la loi Falloux nommé ministre de l’instruction publique et des cultes en décembre 1848. Cette loi est favorable à l’Eglise, en particulier aux établissements congréganistes, même non autorisés comme les Jésuites. Autre avantage sérieux, les religieux ne sont pas soumis à la possession de certificats de capacité à enseigner, exigés des enseignants laïques. Ainsi naissent deux écoles, l’école publique et l’école libre. Mais la loi Falloux va agir comme un ferment entre l’enseignement privé et l’enseignement public. C’était trop donner à l’un sans donner à l’autre.

Le 2 décembre 1851, nouveau coup d’Etat. Louis Napoléon Bonaparte écarte la République et restaure l’Empire sous le nom de Napoléon III. Badinguet a fait du chemin. Dans l’Yonne, on n’a rien contre. Encore que Victor Guichard est expulsé, qu’il s’exile à Bruxelles et que Benoit-Voisin est déporté en Algérie selon la décision de la commission mixte départementale où siège Auguste Cornisset qui devient maire de Sens. Conflit d’intérêts ? Mais non !

Pendant ce temps, Napoléon III se débat avec le Pape à propos des Etats Pontificaux, avec les italiens qui veulent l’unité de leur terre et avec les catholiques français qui soutiennent Pie IX. Mgr Jolly, malade avait démissionné en 1867. Il quittera ce bas monde en 1872. Lui succède Mgr Bernadou qui manifeste tout de suite son intérêt pour les études théologiques des séminaristes. Il va de suite, rénover et agrandir le Grand Séminaire et envisager une période sereine en s’appliquant à retrouver les âmes égarées dans un département déchristianisé comme l’Yonne.

 Mais, car il y a toujours un mais dans l’Histoire, le 19 juillet 1870, la France entre en guerre avec la Prusse. Sens va être occupée, l’Empire vaincu, Napoléon chassé et la République proclamée. Le gouvernement, encore une fois, va changer de mains. Première chose, assumer la défaite et traiter avec l’ennemi. C’est Thiers qui va être chargé de sortir la France de l’ornière. Mais avant, il avait dû, bien que réfugié à Versailles, mater la Commune de Paris qui s’en était pris, entre autre au Clergé, comme le rapporte Jean Sevilla dans son ouvrage «Quand les catholiques étaient hors la Loi»: La Commune promulgue des mesures antireligieuses : inventaire et confiscation des biens des congrégations, suppression du budget des cultes, séparation de l’Eglise et de l’Etat. Du 1er au 2 avril deux cent prêtres sont arrêtés, plusieurs églises sont pillées, quinze frères hospitaliers égorgés, des prêtres otages fusillés. A la défense des Communards, il faut bien avouer que la classe populaire lutte contre un gouvernement semi-royaliste, contre une Eglise riche et encore puissante, contre une bourgeoisie très aisée, contre des «patrons de droits divins » et contre toutes les injustices sociales qui sont légion à l’époque.

La Commune anéantie, l’orage passé, le ciel se couvre de nouveau avec l’arrivée au pouvoir d’une majorité républicaine et à sa tête Léon Gambetta qui va s’écrier du haut de la tribune de l’Assemblée nationale «Le Cléricalisme, voilà l’ennemi !». Sans perdre de temps, le gouvernement exclu le Clergé du Conseil supérieur de l’instruction publique. Dans l’Yonne, d’ailleurs, les élections lui avaient été favorables : «Les élections législatives, cantonales et municipales ont largement fait que le département était profondément républicain et qu’il n’acceptait pas de compromis avec les tenants de l’ancien ordre social dont l’Eglise fut l’un des piliers ».

En 1880, le gouvernement va dissoudre les Jésuites et obliger les congrégations non autorisées à solliciter une reconnaissance légale. Autant de chances de réussite que, de nos jours, gagner à l’Euro-million… La Loi Jules Ferry interdit l’enseignement religieux dans les écoles primaires publiques, les crucifix et autres images pieuses. Si tout cela nous semble normal aujourd’hui, il faut se remettre dans le contexte de l’époque où les gouvernements précédents, bien qu’éprouvant quelques difficultés avec le Culte, étaient encore liés avec celui-ci. Qui se ressemble s’assemble dit-on, et il fallait bien mettre fin à ce curieux mariage, Etat-Clergé, cause présumée de la misère du monde. S’en suit un calme précaire. En 1895, les radicaux reprennent le pouvoir et une nouvelle poussée anticléricale se fait jour. L’affaire Dreyfus va diviser les Français et déboucher sur une majorité parlementaire de défense républicaine, formée de radicaux et de socialistes, le Bloc des gauches. (A suivre).

Gérard DAGUIN

Documentation : Source historique : Etienne Dodet, Sens à l’heure de la séparation des Eglises et de l’Etat, Société Archéologique de Sens.

 Bernard Brousse, SAS, Virginie Garret, Cerep 5, rue Rigault Sens. 


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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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