Un jour une Histoire, Octobre 1943: la Résistance assassinée

Fin septembre 1943, de nombreux événements dramatiques vont se succéder dans la ville et conduire nombre de Résistants à la déportation ou à la mort.

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Alfred RONDEAU fusillé le 28 octobre 1943 à Egriselles.

Au début du mois de septembre 1943, venant du Pas de Calais, arrive à Sens un certain Marius Guillemand, nommé dans l’Yonne par Pichard, responsable national du BOA (bureau des Opérations Aériennes). Bien que son réseau dans le nord ait été complètement anéanti, il semble que Guillemand fut un authentique résistant et qu’il soit venu dans l’Yonne pour organiser la réception des parachutages, destinés aux divers groupes de résistance et travailler à renforcer l’unité des combattants de l’ombre. A ce titre, il prend rapidement langue avec les responsables du Sénonais, du Jovinien et de l’Auxerrois. A Sens, il rencontre Alfred Prieur, Pierre Castets et Charles-Louis Busset. Bientôt, Guillemand, que beaucoup connaitront sous le nom d’Etienne, sera introduit à la ferme des Glaciers auprès de Firmin Blanjean et croisera les Résistants de Villeneuve sur Yonne, Jean Puissant, Durand et Bolland. Etienne sera arrêté par les Allemands le 13 octobre en mission de repérage d’un terrain d’atterrissage à Michery en compagnie d’Alfred Prieur et de Jacques Guérin, cadre du BOA, arrivant de Paris. Lors de son interrogatoire, Etienne va trahir les siens et passer de «l’autre côté». Ce qui semble être confirmé par un interprète de la Gestapo lors de son interrogatoire en juin 1945. (1) Mais beaucoup d’historiens remettent cette version en cause et pensent qu’Etienne avait déjà été «retourné» avant d’arriver dans l’Yonne. D’autres encore, pensent qu’Etienne ne trahira que plus tard, à la prison d’Auxerre, avant les arrestations de Villeneuve-sur-Yonne, du 23 octobre.

 De l’hôtel du «Bon accueil», rue Emile Zola, face aux établissements Castets et du coiffeur Jean Picot, tenu par Ernest Daguin où il avait pris pension sous le nom de Ducroc, Etienne fréquentait un autre hôtel restaurant situé avenue Vauban, géré par Georges Lebon. C’était là que Louis Busset, un authentique résistant, rencontrait Gabrielle Nargeot, épouse de Marcel Pernot, cuisinière du restaurant, cuisinière que l’on disait être son agent de liaison. Dans la mesure supposée où Etienne était déjà un agent de la Gestapo, avait-il commencé son travail de sape ? Avait-il réussi à intoxiquer des hommes à sa solde en accusant Louis et Gabrielle d’être de «mauvais Français» ? Avait-il été sur le point d’être «découvert» par Busset, qui, à n’en pas douter, l’aurait fait exécuter ? Toujours est-il qu’ils seront tués de plusieurs balles dans la tête dans de mystérieuses circonstances vers le 20 septembre. On les retrouvera sur la commune de La Chapelle-sur-Oreuse, l’un sur le Chemin de Sergines et l’autre, à quelques mètres de là, sur le Chemin des Ecoliers les 5 et 6 octobre. D’après le rapport de gendarmerie, ils auraient été amenés là après leur assassinat et enterrés à la hâte sous quelques centimètres de terre. Dépouillés de leurs papiers, de leurs biens et même de leurs chaussures, ils ne seront identifiés que 5 mois plus tard, comme en témoigne l’état civil de la commune.

Fin septembre déjà, trois Allemands avaient été abattus en ville. La réaction des occupants fut  sans appel : le soir même, en représailles, ils vont envahir la ferme Rondeau à Hollard qui servait de refuge à certains résistants. Etienne, qui ne pouvait ignorer cette retraite, l’avait-il donnée aux Allemands ? Avaient-ils obtenu ce renseignement par imprudence ? Une autre approche voudrait que le frère de Busset, alors gardien de moutons à la ferme, ait «vendu» les propriétaires à l’ennemi pour venger la mort de Louis abattu sur ordre d’Etienne. Une approche qui ne semble pas convaincre… Toujours est-il que les soldats cernèrent en silence les bâtiments et que deux civils firent irruption dans la cuisine, mitraillettes en main. L’un d’eux tirera une rafale de mitraillette qui atteindra mortellement un jeune résistant réfractaire, Jacques Brun. Alfred Rondeau s’enfuira à travers champ en essuyant les tirs de ses poursuivants. Il passera à travers les balles mais s’inquiètera au sort réservé à sa famille, à ses invités et à ses ouvriers restés sur place. Persuadé d’avoir été attaqué par des inconnus, il va alors prévenir la gendarmerie de Sergines. Ensemble ils vont retourner à la ferme où les gendarmes vont essuyer de nouveaux tirs. Aux cris de «Gendarmerie Française», le calme va revenir. C’est un Allemand qui va leur répondre en les enjoignant de s’expliquer. Alfred Rondeau est alors frappé par les soldats qui voudront lui faire avouer ses caches d’armes. Bientôt, tous seront arrêtés et emmenés à la Feldgendarmerie de Sens (l’Hôtel de Paris) où les interrogatoires vont se succéder toute la nuit et les jours suivants. Quelques uns vont être relâchés et les autres conduits dans les cellules de la caserne Gémeau. Alfred Rondeau sera affreusement torturé comme en témoignera un autre résistant également arrêté, Maurice Berdou. A Auxerre où il est transféré, Alfred Rondeau est entendu par un tribunal militaire allemand. Jugé «coupable d’héberger des terroristes», il sera condamné à mort et fusillé le 28 octobre à Egriselles-Venoy !

Marius-Etienne Guillemand-Ducroc, avait été arrêté le 13 octobre. Il avait livré aux Allemands, lors de son «interrogatoire» tous ceux qu’il avait croisés. Interrogatoire réel  ou véritable mise en scène ? Agent à la solde de l’ennemi ou traitre déclaré sous les coups ? Toujours est-il qu’à partir du 13 octobre, la résistance locale va être décimée : Bolland, Georges Lebon,  Yvon Chollet, René Baron, Ernest Daguin et son fils Norbert, Léon Vernis, Pierre Castets, Firmin Blanjean, Jean Puissant, Alfred Prieur et d’autres encore, seront conduis à la Feldgendarmerie pour y être interrogés puis emprisonnés à la caserne Gémeau. Ils partiront ensuite dans les geôles auxerroises avant d’être, pour les uns libérés, pour les autres fusillés ou envoyés dans les camps. Après cette vague d’arrestations, Etienne disparaitra de la région mais continuera dans la voie de la trahison. Il exercera encore ses talents maudits à Dijon avant de prendre la fuite avant l’arrivée des alliés. Il sera arrêté, interrogé, découvert et fusillé par des résistants à Izernore, dans l’Ain, au début de l’été 1944.

Notes : 1, Un département dans la guerre 1939-1945, Ed. Tirésias.

Gérard DAGUIN

Madeleine Reszelbach et la famille Beau

Au début de la montée du nazisme en Allemagne, les Reszelbach, une famille Juive Polonaise vient se réfugier à Sens où Mendel, le père, exerce le métier de cordonnier rue Thénard. Dès le 31  octobre 1940, la famille avait obtenu, par une pétition qui comportait 120 noms, le maintien de sa présence dans la ville et celui de Mendel dans son activité. Ils seront quand même arrêtés en juillet 1942 et les parents, accompagnés de leur fille ainée Hélène, 16 ans,  envoyés à Auschwitz d’où ils ne reviendront pas. Par bonheur, Mendel avait signé une décharge concernant ses deux plus jeunes  filles en faveur des Beau, ses voisins et amis. Madeleine, âgée de  14 ans et sa sœur Bluma, 6 ans, seront emmenées à l’hôpital de Sens, transférées à l’Assistance publique d’Auxerre avant d’être placées au centre de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France) à Paris. Avertis par ce dernier, les Beau récupéreront discrètement Madeleine tandis que sa sœur partira pour la Bretagne. Va commencer pour la jeune fille une vie de silence, de peur et d’angoisse, seulement agrémentée de rares sorties nocturnes. Jusqu’à la Libération, Madeleine restera là, à l’insu de tous, cachée, aux risques et périls de la famille Beau. Un des seuls dans le secret sera le docteur Bonnecaze, lui-même engagé dans la Résistance, qui viendra l’opérer des amygdales.

Un département dans la guerre 1939-1945, Ed. Tirésias.

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